Du haut vers le plat
Tout ce qui monte doit redescendre.
Nous étions au Lac Louise…
239 km nous séparaient de Jasper par la route des glaciers.
Un gardien de parc nous informa qu’il serait impossible de dormir en camping sauvage dans le parc national. Cela ne nous plaît pas mais les campings sont fermés, car il est trop tôt dans la saison. Pas le choix, d’autant plus qu’une maman grizzly récemment réveillée rôde aux alentours et notre nourriture serait une cible parfaite !
Nous sommes dans la transition de l’hiver au printemps. Les ours sortent de leur sommeil et sont eux aussi dans un nouveau cycle. Le réveil est brutal et ils n’ont toujours pas bu leur premier café du matin ! Nous devons donc être vigilants pour éviter une rencontre potentielle.
En voyage chaque contrainte peut devenir une opportunité.
Notre solution: louer une voiture jusqu’à Edmonton. Nous pourrons quand même profiter de la nature et du parc national et nous pourrons faire quelques randonnées et reposer nos muscles fatigués.
Me voici donc en randonnée à Jasper. Après mon trauma crânien, la randonnée en haute montagne m’était impossible, car l’altitude me déstabilisait. Je me sentais forte et prête à tenter cette montagne de 2200m. Le bonheur de gravir une montagne m’envahissait à nouveau ! Je suis là, je réussis ! J’entrepris cette ascension. Mes symptômes avaient disparu !! Pas à pas je montais, pas à pas le bonheur de réussir imprégnait mon être !
Soudain, je ne sais plus avancer, je tremble…
Je ressens les symptômes d’il y a 3 ans revenir ! Je ne veux plus revivre cette faiblesse ! J’ai peur, je tremble toujours, je n’ai plus d’équilibre… un pas en avant est interminable… Le sommet est là et je veux l’atteindre. Je résiste et je continue même si j’ai peur de rester dans cet état. Il y a un mélange entre le bonheur et la fierté d’avoir réussi à me rendre si haut et le désespoir du retour des symptômes.
1800 mètres. Comment se fait-il que je n’avance plus, comment se fait-il que mon corps résiste, comment se fait-il que ma tête ne contrôle plus rien? Et cette montagne si menaçante qui ne me permet pas de faire un faux pas…
Mon partenaire de voyage est inquiet et doit m’aider à redescendre de façon sécuritaire. Je suis maintenant redescendue à 1000 mètres d’altitude; mes pertes d’équilibre s’estompent et je retrouve ma stabilité intérieure.
Une fatigue s’empara de moi et une pause de quelques jours à Edmonton sera grandement apprécié. La transition brutale entre les montagnes et les plaines s’est imposée…
J’ouvre la porte de cette petite chambre d’hôtel… Les larmes coulent sur mes joues brûlées par le soleil ! Les symptômes sont de retour… La moitié de ma tête est engourdie et je tremble ! Un repos ici me fera un grand bien. J’espère que la plaine m’apportera une accalmie salutaire…
L’esprit de l’Ours, rencontré dans les hauteurs, viendrait-il me signifier la nécessité de me ressaisir et de mettre en place des limites plus appropriées pour affirmer mon espace personnel et un nouveau rythme pour mes pérégrinations?
J’aurai les Plaines pour y répondre…
Ça va la tête ?
Montréal, en janvier 2018.
Je suis en vélo afin de rejoindre une amie pour un brunch dans un beau petit restaurant sur l’avenue du Parc.
Je suis bien, heureuse, et en pleine forme.
Il fait bon, le froid de l’hiver me fait vibrer !
Je roule pleinement consciente que nous sommes l’hiver, en ville et que c’est glacé. Je suis donc très prudente avec mes pneus d’hiver à clous, même si je suis sur une piste cyclable bien dégivrée, rue Rachel O. Je tourne doucement vers le nord dans le sens unique de l’avenue de l’Esplanade.
Soudain un VUS blanc recule à grande vitesse, il ne me voit pas ?
Comment se fait-il ? Pourtant je porte des vêtements aux couleurs vives et un casque jaune fluo! Je tente de me retirer de la rue rapidement… De part et d’autre de la piste, il y a des monticules de glace et des autos stationnées…
Et puis… plus rien…
Je suis par terre, seule avec un homme me parlant et s’excusant…
Je n’entends rien… Je me relève, embarque sur mon vélo déglingué et me rends au restaurant. Le casque craqué, l’épaule et la clavicule renfoncées, j’entre et mon amie me regarde désemparée; je ne comprends pas, mais je me dis que je dois paraître un peu ébranlée.
L’adrénaline tombe et je ne comprends plus rien. Ses lèvres bougent, mais je n’entends plus. Mon bras me fait souffrir et je suis incapable de me tenir assise…
Elle m’amène donc rapidement à l’hôpital !
On me dit de me reposer, que j’ai une commotion cérébrale… Sans plus… Sans instructions ni suivi.
Quelques jours passent et rien ne va plus.
Je retourne à l’urgence. On me dit de me reposer, que ça va passer.
Je déménage chez ma mère et ma vieille grand-mère…
Je ne vais toujours pas bien après 3 semaines. Ça tourne, incapable de marcher sans devoir tenir les murs; la lumière, les sons, le bruit, ma mère qui me parle, la nourriture, etc… TOUT est insupportable !
Crises de colère, et un mal de tête difficile à décrire.
Un retour à l’hôpital en ambulance s’impose, car le mal de tête est de plus en plus fort. J’ai de la nausée, je tremble et répète la même phrase en boucle. Mes proches sont inquiets.
Voilà qu’on me dit de prendre des antidépresseurs et on me dit que ça va passer… Je refuse de les prendre et comprends que je devrai me débrouiller seule face à cette commotion ou m’enlever la vie !…
Lors de l’accident, heureusement que je portais un casque, car ma tête aurait été autrement bien plus blessée; en fait, j’aurais pu perdre la vie…
J’ai tout de même eu un traumatisme crânien assez sérieux pour que ma vie soit totalement bouleversée depuis ces dernières années.
Vivement le port du casque !